Quand la parole est d’or : les violences sexuelles conjugales

«Le vrai mal a un visage que tu connais et une voix à laquelle tu fais confiance »

Anonyme

Ce mois de Juin 2011, une campagne d’information a été lancée par le Collectif Féministe Contre le Viol conjugal.

Nous en sommes en octobre et j’entends cette information pendant quelques secondes sur une radio nationale bien connue que j’écoute pourtant attentivement chaque matin. C’est pourtant la première fois que j’en prends connaissance.
Une campagne discrète ? mal relayée ? Un sujet encore tabou ?
30 % des viols déclarés par les femmes (qui constituent, d’après différentes sources seulement de 1/3 à la moitié des viols réels) seraient le fait de leur conjoint ou partenaire.
Dans le cadre du couple repérer et reconnaître la frontière avec le viol est bien plus ténue. Difficile pour la victime de reconnaître la réalité du crime. Difficile pour le conjoint de se regarder, d’être regardé, dans la peau de l’agresseur. Difficile, impossible le plus souvent, de mettre les mots dans les couples pour se dire le passage à l’acte, l’impensable, la violence tellement subtile parfois, et qui pourtant fait basculer la relation dans un autre espace, un autre temps, un autre style.


Si en 1810 la légalisation du « devoir conjugal » rendait donc par définition le viol conjugal impossible, depuis 1990 la notion de viol conjugal existe dans la jurisprudence française confirmée en 1992 par la Cour de cassation. Elle affirme clairement que « la présomption de consentement des époux aux actes sexuels ne vaut que jusqu’à preuve contraire ». Depuis 2006, la loi sur les violences conjugales reconnaît de plus, que le viol de l’épouse est une circonstance aggravante.

Mais l’application de la loi devant les instances juridiques comme l’inscription de la limite qu’elle instaure dans le comportement sexuel entre conjoints, restent encore incertaines et floues dans leur mise en œuvre.
Certains couples conservent encore l’idée que tout est permis dans l’intime de la relation à 2, tout. Pour d’autres encore trop nombreux, la notion de l’acte sexuel consenti par les 2 partenaires est absente, vague, déniée ou même refusée à la femme.
Comment dans nos cabinets, nos associations, nos lieux de parole, parler mieux, clair, et ouvrir à la conscience de ce qu’est un acte sexuel librement consenti ?
Pour ces femmes qui disent encore si fréquemment et parfois sans émotion apparente, et sans hésitation : « j’en ai pas envie, mais faut bien le faire » « je me suis forcée » « il m’a forcé » « si je refuse, la vie à la maison est pourrie pour la semaine ». Aucune de celles là au moment où elle parle n’imaginerait un seul instant qualifier ce moment où elle cède, où elle subit, de viol conjugal.

Comment parler de consentement à ces femmes et apprécier la réalité de ce consentement avec celles encore plus nombreuses qui ne désirent plus mais aiment encore, celles qui n’aiment plus mais souhaitent pourtant conserver cette relation, compagnonnage dans lequel « avoir la paix » est le plus important.

Tout rapport sexuel non désiré complètement est- il de l’ordre du viol ?
Le non désir équivaut – il au non consentement ? Accepter sans réel désir est – il subir ?
Parler sans les fermer à la réflexion, au dialogue, à ces conjoints, qui arrogants, inconscients ou maladroits, revendiquent le droit à l’assouvissement de « leurs besoins naturels d’homme ». Nous faut – il les penser tous en violeurs potentiels ?
Savons – nous parler avec eux, de leur insistance d’homme, de ce moment où l’insistance devient violence, violence relationnelle conduisant à la violence sexuelle sans que même parfois il n’y ait eu de signes d’énervement. L’insistance face au silence, à la passivité, la crainte aussi d’une conjointe qui voudrait qu’il comprenne mais ne sait pas lui faire savoir son « non ».

Selon les termes légaux, pour être valide le consentement doit être clair pour chaque participant à l’acte. Le refus lui peut être clair lorsqu’il est exprimé en paroles ou en gestes. Mais les silences, les moues ou l’absence de mouvements ?
«Qui ne dit mot consent» ne s’applique pas au consentement en matière sexuelle.
Une motivation qui ne s’exprimerait que par « oui ou non » serait – elle introduction au désir ou au contrat ?
Sans aucun doute, en tant que cliniciens nous avons un rôle, une fonction, une vigilance à mettre en place sur cet aspect du consentement dans toutes les situations de discorde sexuelle de nos consultants.
Un devoir d’information, de formation à la parole claire et élaborée, à l’expression de son positionnement. Une place à tenir dans l’apprentissage du « savoir formuler et entendre » valable pour chaque rencontre sexuelle à priori discordante. Avec créativité, légèreté, humour ou plus de gravité et de poids dans les termes employés en fonction des situations qui nous sont présentés. Adaptée à la qualité d’écoute et d’attention et de dialogue déployée par le couple présent.
Un aspect sur lequel nous n’avons pas, pour beaucoup de cliniciens encore il semble, suffisamment le réflexe d’accorder du temps et de l’espace pour penser et parler ce préalable à la rencontre sexuelle : l’espace/temps de « l’intérêt sexuel » avant même celui du désir. Le temps d’introspection que chacun peut apprendre à se donner pour entendre sa motivation à l’acte et celui de la manifester à l’autre de façon authentique et respectueuse de soi et de l’autre.

En associant le jeu et la conscience : mais n’est ce pas là toute la science de l’érotisme ? : le risque de se dire.


« Il n’y a jamais de parade ou de conquête amoureuse – moins encore d’érotisme- qui ne comporte une part de risque » Dr Paul Bensoussan

Références

Dr Paul BENSOUSSAN – Le désir criminel – Ed Odile Jacob – 2004
Marcela Iacub – Le crime était presque sexuel – Flammarion 2011
0 800 05 95 95 – Collectif Féministe Contre le Viol – http://www.cfcv.asso.fr

Article paru dans Sexualités Humaines n°11 octobre/novembre/décembre 2011

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